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62 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

la chair empoisonnant l’atmosphère d’une putride fumée, et pourrissant sur le bûcher à moitié éteint !

« Oui ! j’ai vu les adorateurs de Dieu tirer le glaive de sa vengeance pendant que sa grâce descendait, confirmant toute impulsion contre nature, et sanctifiant leurs œuvres de désolation ; et des prêtres fanatiques faisaient onduler la sinistre croix sur la terre infortunée ; alors le soleil éclaira des averses de sang caillé tombant du fer brûlant du tranquille assassinat : tout crime perdit son aiguillon en vertu de l’Esprit du Seigneur, et des arcs-en-ciel rouge-sang firent un dais à la terre.

« Esprit ! aucune année de mon existence si pleine n’a passé pure des crimes et de la misère qui découlent de la vraie foi de Dieu. J’ai vu ses esclaves, de leurs langues aux mensonges venimeux, tromper la foule insensée, et, pendant qu’une de leurs mains était rouge de meurtre, feindre de tendre l’autre en signe de fraternité et de paix. Maintenant qu'ils pérorent d'amour et de merci (pendant que leurs actions sont empreintes de toute la bassesse et la perversité que le jeune bras de la Liberté n’ose pas encore châtier) la Raison peut réclamer notre gratitude, elle, qui aujourd'hui, asseyant le trône impérissable de la vérité et de l'inflexible vertu, rend inutile et vaine la malice de mon ennemi ; sa rage infructueuse entasse des tourments pour les hommes vertueux, ajoute au châtiment des éternités impuissantes;

pendant que le plus poignant désappointement 

torture son sein, de voir les sourires de la paix jouer autour deux, et tromper ou sanctifier leur arrêt.

« Ainsi je vécus, — à travers un affreux désert d’années, luttant avec les tourbillons d’une furieuse agonie, cependant plein de paix et de sérénité, renfermé dans le