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ALASTOR
OU
L’ESPRIT DE LA SOLITUDE


« Je n’aimais pas encore, et j’aimais aimer, et aimant aimer je cherchais quelque chose à aimer. »
Confessions de saint Augustin.

PRÉFACE

Le poème intitulé Alastor peut être considéré comme l’allégorie d’une des situations les plus intéressantes de l’esprit humain. Il met en scène un jeune homme au cœur pur et d’un aventureux génie, entraîné par une imagination ardente, mais purifiée par son commerce familier avec tout ce qu’il y a d’excellent et de sublime, à la contemplation de l’univers. Il boit avidement aux sources de la science, et il est toujours insatiable. La magnificence et la beauté du monde extérieur pénètrent profondément la trame de ses conceptions, et donnent à leurs développements une inépuisable variété. Aussi longtemps qu’il est possible à ses désirs d’aspirer à des objets aussi infinis et sans mesure, il est joyeux, tranquille et maître de lui-même. Mais il arrive un moment où ces objets cessent de lui suffire. Son esprit est enfin tout à coup éveillé, et ressent la soif d’un commerce avec une intelligence semblable à lui-même. Il se crée alors par l’imagination un objet qu’il aime. Fami-