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PETITS POÈMES


Qu’est-ce que le ciel ? Un globule de rosée, emplissant au matin nouveau l’œil de quelque fleur, dont les jeunes feuilles s’éveillent à un monde non imaginé ; des constellations de soleils inébranlables, orbites sans mesures, sont ferlées dans cette frêle et fugitive sphère, avec dix millions rassemblés là, pour trembler, luire et disparaître !


ODE AU VENT D’OUEST[1]

Ô farouche vent d’ouest, toi souffle de l’être de l’Automne, toi dont l’invisible présence chasse les feuilles mortes comme des spectres fuyant devant un enchanteur, jaunes, et noires, et pâles, et d’un rouge de fièvre, multitudes frappées de la peste ! Ô toi, qui charries les semences ailées vers leur sombre lit d’hiver, où elles gisent glacées et enfouies, chacune comme un cadavre dans son tombeau, jusqu’à ce que ta sœur azurée du Printemps souffle dans son clairon au-dessus de la terre qui rêve, et (conduisant de suaves bourgeons comme des troupeaux pour les paître dans l’air) remplisse de couleurs et d’odeurs vivantes la plaine et la colline ;

  1. Ce poème fut conçu et presque entièrement écrit dans un bois qui borde l’Arno, près de Florence, un jour que ce vent orageux, dont la température est à la fois douce et tumultueuse, ramassait les vapeurs qui versent sur la terre les pluies d’automne. Elles commencèrent, comme je le prévoyais, au coucher du soleil avec une violente tempête de grêle et de pluie, accompagnée de ce tonnerre et de ces éclairs magnifiques particuliers aux régions Cisalpines.

    Le phénomène auquel il est fait allusion dans la conclusion de la troisième stance est bien connu des naturalistes. La végétation du fond de la mer, des rivières et des lacs sympathise avec celle de la terre dans les changements de saisons, et par conséquent est influencée par les vents qui les annoncent. S.