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LES VIEILLES GENS.

Plus courbé, plus usé par sa longue misère
Que par ses ans, n’ayant jamais le nécessaire,
Pleurant ceux qu’il aimait tous tombés avant lui,
Ce vieux sur ce petit concentrait sa tendresse,
Et c’était son bonheur, sa joie & son ivresse,
Son espérance & son appui.

Dans la naïveté des âmes ingénues,
La colère & la peur leur étant inconnues,
Ils vivaient l’un par l’autre heureux, calmes & fiers.
Dans la petite chambre où nul air respirable
N’entrait, où tout était sordide & misérable,
Où le pain & le feu manquaient tous les hivers,
Ils riaient par moments de ce rire splendide
Qu’ont le cœur innocent & la lèvre candide.
Cheveux blonds, tête blanche, on ne les voyait pas
L’un sans l’autre, l’enfant sans l’aïeul. Les dimanches
D’été, quand le soleil ne perce plus les branches,
Ensemble ils allaient pas à pas.

Et chaque jour, le long de la rivière, gaule
En main, sueur au front, la corde sur l’épaule,
Ils traînaient leur bateau-vivier, où les pêcheurs
Déchargeaient tour à tour leurs filets & leurs nasses.