Page:Siefert - Rayons perdus.djvu/110

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J’arrivai cependant à la charmille ombreuse.
J’en étais presque heureuse,
Tant on jouit de peu, quand le cœur n’a plus rien.

Il faisait à cette heure une chaleur atroce.
Le ciel dardait d’aplomb un jour mat & féroce.
Cigales & grillons, pâmés de volupté,
Rougissaient au soleil leur brune carapace ;
Seul, perdu dans l’espace,
Un grand aigle planait, roi de l’immensité !

Ma mère était assise & bordait en silence,
Et moi, le front penché, toute à mon indolence,
Étendue à demi sur le chauve gazon,
Je regardais flotter des vallons à la plaine
La vapeur, blanche haleine
Des monts géants, couchés au bord de l’horizon.

Nous restâmes longtemps ainsi sans causeries,
Le cœur pris toutes deux aux mêmes rêveries :
« Maman, lui dis-je enfin, je vais faire un bouquet,
« Prête-moi tes ciseaux. » Et courant, tête nue,
À la porte connue
Du jardin, je l’ouvris en poussant le loquet.