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L’ÉDUCATION DE L’ŒIL

que ses hachures et sa couleur intense ; devant la peinture des impressionnistes, c’était la nouveauté de leurs virgules et de leurs colorations. Et, dans l’apport des néo-impressionnistes, ce qui a dérouté, c’est — plus encore que la division de la touche — l’éclat insolite de leurs toiles. À l’appui de cette proposition, citons un cas topique. Les tableaux de M. Henri Martin, dont la facture est absolument empruntée au néo-impressionnisme, trouvent grâce devant le public, la critique, les commissions municipales et l’État. Chez lui le point ne choque pas, et pourtant il est inutile — donc gênant —, puisque, de couleur grise, terne et rabattue, il ne procure pas de bénéfices de luminosité ou de coloration de nature à faire passer sur les inconvénients possibles du procédé. Représenté par lui, le pointillisme est admis au Luxembourg, à l’Hôtel de Ville, tandis que le grand Seurat, instaurateur de la division et créateur de tant d’œuvres calmes et grandes, est encore méconnu (en France du moins, car l’Allemagne, mieux avertie, a su acquérir les Poseuses et d’autres toiles importantes que nous verrons quelque jour au musée de Berlin).

Peut-être, les années aidant, le public complétera-t-il son éducation : espérons en des temps où il sera plus sensible à l’harmonie, où il ne redoutera plus la puissance d’une couleur, où il en goûtera calmement la beauté, et constatera que les plus vives colorations d’un peintre sont timides au prix des colorations dont se pare