Page:Silvestre - Le Conte de l’Archer, 1883.djvu/108

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
Chroniques du Temps passé.

lui-là, ayant déjà combattu dans plus de vingt batailles, vu brûler plus de cent villes et villages, brave et impitoyable et à qui quelque chose manquait, après son repas, quand on n’avait pas dépêché quelque prisonnier pour lui distraire les yeux. On l’appelait Cœur-de-Cuir, parce qu’il semblait que son cœur et son rude pourpoint de combat fussent faits de la même peau.

Ainsi se passa gaiement la soirée jusque fort avant dans la nuit, et Tristan commença à trouver que le métier était moins mélancolique qu’il ne l’avait d’abord supposé. Mais il n’en était pas plus joyeux pour cela, pensant bien fort à dame Mathurine sa mère qu’il ne reverrait plus et plus fort encore à Isabeau dont l’adieu lui avait à la fois enchanté et déchiré l’âme.

— La trompette vous réveillera au petit jour, dit le capitaine à frère Étienne. Et ne manquez, mon frère, avant de vous endormir, de dire une belle oraison pour le repos de l’âme de ce pauvre capitaine Bistouille.

Quand ils furent seuls tous deux dans un coin de la grange :

— Eh bien, Tristan, que penses-tu de cela ? dit le moine au jeune archer.

— Je pense, lui répondit celui-ci, que vous