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Chroniques du Temps passé.

suis fier de penser que mon Tristan, réalisant mes plus chères espérances, détient un poste d’honneur auprès du roi Louis le Onzième et occupe avec lui, après de glorieux combats, la première ville du royaume. Ah ! Paris ! Paris où j’aurais voulu naître ! Paris, cœur et cerveau de la France !

— Le Roi n’est pas à Paris, dit le mendiant en soufflant bruyamment son haleine repue, comme un homme qui se moque de tout, ayant enfin satisfait copieusement sa faim et sa soif.

— Plaît-il ? dit le tanneur.

— Le Roi est à Péronne, continua le pauvre diable, en refoulant par une suprême rasade les révoltes de son estomac surchargé.

— Comment ! il a poursuivi jusque-là le rebelle et félon duc de Bourgogne ? Bravo ! qu’il ne s’arrête là, morbleu ! qu’il le traque comme une bête fauve, ce misérable Bourguignon ! Sus au traître ! Je le voudrais voir poursuivi jusqu’aux confins de la Hollande et culbuté dans la mer du Nord.

— Le Roi n’y pense guère.

— Le Roi a tort, et je suis fort surpris que mon fils ne lui en suggère pas l’idée. Qu’il sorte de Péronne au plus tôt, entendez-vous ! sans perdre une heure.

— Il aurait grand’peine entre nous.