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Chroniques du Temps passé.

en belle humeur. Car je ne puis imaginer que Dieu se complaise en la société de gens mélancoliques et miteux, comme le sont d’ordinaire les pauvres diables à jeun. Je croirais plutôt qu’il occupe son éternité à faire composer, par ses anges, de bons repas pour ses invités, afin que ceux-ci demeurent joyeux et le fassent rire. Car le temps lui durerait trop de ne voir devant son auguste face que visages de bienheureux renfrognés et bâillant. Vous savez, en effet, que la faim, aussi bien que le sommeil, fait ouvrir démesurément la bouche. Libre donc à vous, compère Guillaume, de préférer un trépas glorieux à une existence bien repue. Moi, non ! J’ai dit. Dixi !

Et frère Étienne, qui avait longuement parlé, ne manquait pas de se verser ensuite, à plein verre, une belle rasade qu’il humait en conscience, faisant claquer de temps en temps sa large langue, avec une expression de béatitude telle qu’on eût dit que saint Pierre lui ouvrait, par avance, la porte du Paradis.

— C’est bien parlé en homme de Dieu, reprenait Clignebourde après lui avoir fait raison du bord de son gobelet. J’ajouterai néanmoins que pour ceux qui n’ont pas comme vous, frère