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Chroniques du Temps passé.

vant les renardes, mes bonnes amies. Ainsi vous faites, messieurs les moines, regardant nos femmes du travers seulement de votre vue, et disant ensuite, songeant aux vœux qui vous lient et au salut de votre âme éternelle : Peuh ! elles n’ont pas déjà le nez si bien fait et la gorge si tentante. C’est affaire à de petits bourgeois, et il ne conviendrait pas que des gens touchés de la divine grâce s’occupassent de si peu.

— Vous aussi, monsieur Clignebourde ? hasardait la pauvre Mathurine avec un accent de résignation.

— L’imbécile ! pensait tout bas le frère Étienne, en riant, malgré lui, dans sa longue barbe frisée et moutonnante.

— Une misère ! poursuivait Clignebourde. Mais apprenez, monsieur le tondu, que pour moins d’une heure de cette misère-là je donnerais un an de vos bons soupers, une montagne de vos victuailles et une mer de vos vins rouges et blancs, plus dix autres années de ma vie par-dessus le marché !

— C’est ce que nous appelons, mon frère, être possédé par le démon de la luxure, reprenait frère Étienne. Savez-vous à qui vous ressemblez ainsi ? Au pauvre saint Antoine sur sa colline, luttant