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Le Conte de l’Archer.

que nous ne devons plus revoir. Quand il dut franchir le rempart de la ville natale, son cœur se serra plus fort encore. L’horizon que le déclin du soleil faisait flamber comme un vase de cuivre lui sembla un gouffre où, comme les écrevisses, on le jetait tout vif. Il eût voulu reculer, mais ne se sentait même plus le courage de n’en pas avoir. Il continua donc à cheminer dans la campagne, à côté de son guide qui, respectant sa tristesse, ne lui disait pas un seul mot.

C’était le temps des foins, et un chaud parfum de verdure coupée montait des prairies, grisant comme une liqueur. Les hommes des champs passaient, joyeux de l’approche du repos, et Tristan les enviait, bien qu’ils fussent couverts de haillons, le bon roi Louis le Onzième ayant pressuré d’impôts son peuple plus qu’aucun autre. De robustes filles passaient aussi, jetant un regard curieux sur le jeune arbalétrier sous son costume tout neuf. Mais Tristan ne songeait guère à les regarder et marchait la tête basse comme un homme qui a fait un méchant coup.

Cependant, tout à coup, au revers d’une allée de peupliers, il eut comme un sursaut en apercevant devant lui maître Mathieu Clignebourde et Isabeau.