Page:Silvestre - Poésies 1866-1872, 1880.djvu/244

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XX. Orphée

 
C’EST ta mort que j’envie, ô doux fils de Linus,
Quand les vierges de Thrace aux crinières d’archange,
Sous leurs pieds bondissants, — comme aux fêtes du Gange
Vendange épouvantable, écrasaient tes flancs nus ;

Lorsque, foulant ton cœur, leurs beaux pieds éperdus
Buvaient sur ta poitrine une rosée étrange,
Et qu’aux chansons du cuivre, — effroyable vendange, —
Ta noble chair volait sous les thyrses ardus.

Le regret te vint-il des chastes promenades
Où ta lyre éveillait l’écho silencieux ?
A quoi bon de tes chants heurter des cieux maussades ?

Mieux vaut jeter son âme aux désirs furieux,
Tendre sa gorge nue aux ongles des Ménades,
Et faire de son corps la pâture des Dieux !