Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/237

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assurèrent le calme à leurs terres et veillèrent à la nourriture de leur peuple, en attendant que (Ts’in) tombât en décadence.

Celui qui recueille les faibles et qui réconforte les épuisés, comme il est ordonné au prince d’un grand État, celui-là n’a pas à craindre de ne pas parvenir à ses fins dans le monde ; celui dont la dignité est celle de Fils du Ciel, dont la richesse est celle de l’empire entier, et qui cependant est fait prisonnier[1], celui-là n’a pas su distinguer ce qui cause le salut et ce qui cause la ruine. Le roi de Ts’in était satisfait de lui-même et ne demandait pas aux autres leur avis ; aussi, quand il faisait des fautes, ne se corrigeait-il pas. Eul-che recueillit son héritage ; il n’y changea donc rien ; sa cruauté réussit à aggraver le mal. Tse-yng prit le pouvoir, orphelin et sans parents ; menacé et faible, il n’avait aucun appui. Ces trois souverains furent aveuglés et jusqu’à la fin de leur vie, ils n’eurent pas conscience (de leur situation). Leur perte ne devait-elle donc pas nécessairement arriver ?

Ce n’est pas qu’il n’y eût en ce temps des hommes de valeur qui avaient profondément réfléchi et qui connaissaient la réforme à opérer. Cependant, s’ils n’osèrent pas être fidèles jusqu’au bout[2] et s’opposer aux fautes, c’est que les Ts’in avaient constamment multiplié les interdictions contre les critiques et les paroles qu’on devait taire ; une voix fidèle se faisait-elle entendre, avant qu’elle eût été entièrement prononcée par la bouche, la personne était mise à mort. C’est ce qui fit que dans

  1. On trouvera, tout à la fin de cette citation de Kia I, une phrase très analogue à celle-ci.
  2. Cf. note 369.