Page:Sima qian chavannes memoires historiques v3.djvu/287

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fait leur beauté ; la musique, se caractérisant par l’abondance, doit cependant aussi se contenir, et c’est en se contenant qu’elle est belle. Si les rites produisent la modestie et non la hardiesse, alors il y a anéantissement ; si la musique est abondante mais ne se contient pas, alors il y a excès. C’est pourquoi, dans les rites, il y a la réplique, et dans la musique il y a le retour en arrière. Quand les rites ont leur réplique, alors il y a joie ; quand la musique revient en arrière, alors il y a calme. La réplique des rites et le retour en arrière de la musique ont une seule et même signification[1].

La musique produit la joie ; c’est ce qui est inévitable en vertu de la nature humaine. Or, quand on est joyeux, on ne peut manquer de l’exprimer par les sons et les notes, de le manifester par les gestes et les attitudes, car telle est la règle constante pour l’homme. Les, sons et les notes, les gestes et les attitudes épuisent entièrement les modifications qui se produisent dans le cours des sentiments naturels[2]. Ainsi, l’homme ne peut pas ne pas se réjouir ; quand il a de la joie, il ne peut pas ne pas la manifester ; mais s’il la manifeste sans s’astreindre à une règle, il ne peut éviter le désordre. Les anciens rois détestaient ce désordre ; c’est pourquoi ils

  1. Les rites prescrivent la politesse qui consiste à céder le pas à autrui ; mais, si l’on exagérait la modestie, on annihilerait sa propre personne, et c’est pourquoi la politesse doit avoir pour correctif la hardiesse qui permet à l’homme, après avoir montré sa modestie, de répliquer, c’est-à-dire de prendre à son tour la première place, lorsque son prochain la lui cède en vertu des mêmes rites. — Inversement, la musique tend à développer abondamment toutes les énergies de l’homme ; elle doit donc revenir en arrière ou se contenir, de peur de tomber dans l’excès.
  2. Les sons traduisent les émotions intérieures du cœur ; les gestes et les attitudes expriment les changements extérieurs de la personne physique. Il n’y a pas d’autre mode d’expression des sentiments.