Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sante de la manière simple et sévère de l’économiste écossais. Le succès de ce cours fut tel, qu’Adam Smith ne tarda point à être appelé à Glasgow pour y occuper la chaire de logique, en 1751, et un an après, celle de philosophie morale, illustrée par le professeur Hutcheson. Son enseignement dura treize ans ; l’empressement des auditeurs fut encore plus considérable qu’à Édimbourg : il en vint de toutes les parties de l’Angleterre et de l’Écosse ; on ne s’entretenait plus que des sujets traités par le nouveau professeur, qui suivit une marche tout à fait différente de celle de ses devanciers, et qui les fit bientôt oublier, si nous en croyons le témoignage des contemporains. Ce n’est pas qu’Adam Smith fût un homme éloquent et capable d’exciter au sein d’un auditoire ces émotions puissantes qui produisent l’enthousiasme : sa diction lente et vulgaire n’avait que le mérite de la clarté. Mais cette clarté était si abondante, les développements que le professeur donnait à ses propositions étaient si riches de faits, si pleins de vues fines et ingénieuses, qu’on se laissait aller au plaisir de l’entendre, comme s’il eût été inspiré. C’est dans la chaire de l’université de Glasgow qu’Adam Smith a jeté les fondements de sa glorieuse renommée ; c’est au service de cette université qu’il a amassé les matériaux de ses deux grands ouvrages : la Théorie des sentiments moraux et les Recherches sur la Richesse des Nations.

Son cours de philosophie morale, bien que divisé en quatre parties, ne reposait que sur deux bases principales, l’une tout entière de l’ordre métaphysique, et l’autre de l’ordre économique. Aussi sa théologie dégénéra bientôt, si c’est dégénérer, en un cours de morale pratique ; et ses dissertations sur les causes de la prospérité des États se transformèrent sans effort en un traité d’économie politique, qui est devenu le point de départ de tous les autres. Une telle alliance, nouvelle dans les annales de la science des richesses, devait nécessairement assurer à Adam Smith, indépendamment des découvertes opérées par son génie, une supériorité incontestable sur ses prédécesseurs. Ainsi placé aux confins du monde moral et du monde matériel, au point où ces deux grands sujets d’étude se touchent, le philosophe écossais eut de véritables éclairs de révélation,