Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/22

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il ne fit que traverser la France pour aller résider à Toulouse avec son élève, pendant plus d’une année. Smith mit à profit cette excursion en observant avec l’exactitude scrupuleuse qui caractérise ses ouvrages, tout ce qui méritait, dans un pays comme le nôtre, l’attention d’un homme tel que lui. On retrouve, dans le cours de son livre, la trace des impressions profondes que ce premier séjour avait laissées dans son esprit. Le profit qu’il retira de sa courte visite à Genève ne fut pas moins utile à ses études, qui avaient déjà un caractère de solidité pratique, même dans leur première spécialité, exclusivement philosophique et métaphysique.

Mais c’est surtout à l’époque de son second voyage à Paris, en 1765, que les idées de l’illustre Écossais se fixèrent d’une manière définitive sur la science économique, dont il devait être le plus habile réformateur. Une recommandation de son ami Hume le mit en relations suivies avec les auteurs de l’Encyclopédie et avec les principaux chefs de l’école physiocrate. Adam Smith se fut bientôt lié avec eux, nommément avec Turgot et Quesnay, et leurs doctes entretiens ne tardèrent point à l’initier aux études qui faisaient l’objet de leurs méditations. Smith apportait sans doute avec lui des connaissances profondes et des doctrines nouvelles en économie politique ; mais il est impossible de douter que ses rapports avec les encyclopédistes et les économistes français n’aient exercé une influence décisive sur son esprit[1]. Il a déclaré lui-même que son intention avait été de dédier à Quesnay son grand ouvrage sur la richesse des nations, si le célèbre docteur ne fût pas mort avant

  1. L’abbé Morellet s’exprime ainsi sur Adam Smith, dans ses Mémoires : « J’avais connu Smith dans un voyage qu’il avait fait en France vers 1762 : il parlait fort mal notre langue ; mais sa Théorie des sentiments moraux, publiée en 1759, m’avait donné une grande idée de sa sagacité et de sa profondeur. Et véritablement, je le regarde encore aujourd’hui comme un des hommes qui a fait les observations et les analyses les plus complètes dans toutes les questions qu’il a traitées. M. Turgot qui aimait, ainsi que moi, la métaphysique, estimait beaucoup son talent. Nous le vîmes plusieurs fois ; il fut présenté chez Helvétius : nous parlâmes théorie commerciale, banque, crédit public, et de plusieurs points du grand ouvrage qu’il méditait. Il me fit présent d’un joli portefeuille anglais de poche, dont je me suis servi vingt ans. »