Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/397

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possèdent les mines, sont peut-être, après la Pologne, les deux plus pauvres pays de l’Europe ; cependant il s’en faut bien que la valeur des métaux précieux soit moins élevée en Espagne et en Portugal que dans tout autre endroit de l’Europe, puisque de ces deux pays ils viennent se rendre dans tous les autres, avec la charge non-seulement du fret et de l’assurance, mais encore avec la dépense de la contrebande, leur exportation étant ou prohibée ou soumise à des droits. Leur quantité, comparée au produit annuel des terres et du travail, doit donc nécessairement être plus grande dans ces deux pays qu’en aucun autre endroit de l’Europe ; cependant ces pays sont plus pauvres que la plupart des autres pays de l’Europe. C’est que si le système féodal a été aboli en Espagne et en Portugal, il y a été remplacé par un système qui ne vaut guère mieux.

De même donc que la faible valeur de l’or et de l’argent n’est pas une preuve de la richesse ni de l’état florissant du pays où elle a lieu, de même on ne peut, de la haute valeur de ces métaux, dans un pays ou bien du bas prix en argent, soit des mar­chandises en général, soit du blé en particulier, inférer en aucune manière que ce pays soit pauvre ou qu’il soit dans un état de barbarie.

Mais si le bas prix en argent, soit des marchandises en général, soit du blé en par­ti­culier, ne prouve nullement la pauvreté et la barbarie d’une époque, d’un autre côté, le bas prix en argent de quelques espèces particulières de marchandises, telles que le bétail, la volaille, les différentes sortes de gibier, relativement à celui du blé, en est une des preuves les plus décisives. Il démontre clairement, d’abord la grande abon­dance de ces sortes de denrées relativement au blé et, par conséquent, la grande étendue de terre qu’elles occupent relativement à celle qui est occupée par le blé ; il démontre, en second lieu, le peu de valeur de ces terres relativement à la valeur des terres à blé et, par conséquent, l’état négligé et inculte de la très-grande partie des terres du pays. Il démontre clairement que la population du pays et son capital ne sont pas, relativement à son territoire, dans la proportion où ils sont ordinairement dans les pays civilisés et que, dans un tel pays ou dans un tel temps, la société n’en est encore qu’à son enfance. Du haut ou du bas prix en argent des marchandises en général ou du blé en particulier, nous ne pouvons inférer autre chose, sinon que les mines d’or et d’argent qui, à cette époque, approvisionnaient le monde de ces métaux étaient fécon­des ou étaient stériles, mais non pas que le pays fût