Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/47

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la tâche la plus difficile, comme l’a observé Smith, c’est de s’abstenir de ce qui ne les concerne pas, de laisser le travail et l’industrie suivre en liberté leur pente naturelle, et de se borner à les couvrir de cette protection impartiale qui est la seule faveur qu’ils attendent du Gouvernement.

Après avoir suivi pendant longtemps le système commercial et le système manufacturier, la législation anglaise s’attacha au système agricole. Comme tous ces différents systèmes consistent à sacrifier une portion de la liberté et de la fortune des sujets, pour favoriser une classe particulière d’agents de l’industrie, ils s’excluent nécessairement l’un l’autre. On ne peut pas attirer par force, vers un genre de travail, plus de capital qu’il ne s’y en fût porté dans l’état naturel des choses, sans arracher cette portion de capital à l’espèce d’industrie qui l’aurait appelé, car toutes ces mesures systématiques n’augmentent pas la masse du capital national, et c’est même parce qu’elles en supposent l’insuffisance, qu’elles s’efforcent de changer sa direction et de la déterminer dans d’autres proportions que celles qui eussent eu lieu si le gouvernement eût laissé faire. Ainsi, adopter le système agricole, c’était vouloir attirer à la culture et à l’amélioration des terres une portion du capital employé dans les entreprises de commerce et de manufactures ; c’était, jusques à un certain point, abandonner les deux autres systèmes.

Vers la fin du dix-septième siècle, le parlement d’Angleterre jugea à propos d’encourager la culture et l’amélioration des terres, au moyen de gratifications accordées à l’exportation des grains indigènes dans les pays étrangers.

Cette mesure ne fut pas sans effet, puisque Smith nous dit que, d’après les registres des douanes, la quantité de grains de toute espèce, exportés pendant les dix années qui s’écoulèrent de 1741 à 1750, a monté à plus de huit millions de quarters, et que la somme des gratifications payées pour cet objet a donné lieu à une dépense de 1500 mille livres sterling. Il ajoute qu’en 1749, M. Pelham, alors premier ministre, déclara à la Chambre des communes qu’il avait été dépensé, dans les trois années précédentes, une somme exorbitante en gratifications pour exportations de grains, et qu’enfin l’année suivante (1750), la somme payée pour cet article excéda 334,000 liv. sterling, c’est-à-dire, plus du double de l’année moyenne de cette période de dix années.