Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/494

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taux naturel, ou à celui auquel il devait se fixer d’après le cours du commerce et l’état des remises entre ces deux places[1].

Dans les monnaies de papier du comté d’York, le payement d’un aussi petit billet qu’un billet de 6 pence dépendait quelquefois de la condition que le porteur du billet apporterait à la personne qui l’avait émis de quoi changer une guinée ; condition qui pouvait être souvent fort difficile à remplir pour les porteurs de ces billets, et qui a dû faire baisser cette monnaie au-dessous de la monnaie effective. Aussi, un acte du Parlement déclara-t-il toutes ces clauses illégales, et supprima, comme on l’avait fait en Écosse, tout billet payable au porteur, au-dessous de 20 schellings.

Le papier circulant dans l’Amérique septentrionale ne consistait pas en billets de banque payables au porteur à sa demande, mais en papier d’État, dont le payement n’était exigible que plusieurs années après la date de l’émission ; et quoique le gouvernement de la colonie ne payât point d’intérêt aux porteurs de ce papier, il le déclara et le rendit de fait une offre légale de payement pour la valeur entière pour laquelle il avait été créé. Mais en supposant la garantie du gouvernement la meilleure possible, 100 livres payables à quinze ans de terme, par exemple, dans un pays où l’intérêt est à 6 pour 100, ne valent guère plus de 40 livres argent comptant. Ainsi, forcer un créancier à recevoir un pareil effet comme parfait payement pour une dette de 100 livres qui avaient été avancées en argent comptant, c’était une injustice aussi criante peut-être qu’en eût jamais osé risquer tout autre gouvernement ayant quelque prétention à la liberté. Un tel acte d’autorité porte bien les marques évidentes de l’origine que lui donne le sage et honnête docteur Douglas, qui nous assure que ce fut un projet imaginé par des débiteurs de mauvaise foi pour duper leurs créanciers. À la vérité, le gouvernement de Pennsylvanie, à la première émission qu’il fit de papier-monnaie en 1722, prétendit rendre son papier de valeur égale à celle de l’or et de l’argent, en portant des peines contre tous ceux qui feraient quelque différence de prix dans leurs marchandises pour le cas de vente en papier de la colonie, ou de vente en espèces ; règlement tout aussi tyrannique que celui qu’il avait pour objet de soutenir,

  1. Sur le taux naturel et le taux apparent du change, et sur l’influence qu’à l’état de la monnaie d’un pays sur le taux apparent du change, voyez le livre IV chap. iii.