Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/515

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dans la société étant plus grande, il faudra une plus grande somme d’argent pour les faire circuler. Ainsi, une partie de ce surcroît de produit sera naturellement employée à acheter, partout où l’on pourra s’en procurer, la quantité additionnelle d’or et d’argent nécessaire pour faire circuler le reste. L’augmentation de ces métaux sera, dans ce cas, l’effet et non la cause de la prospérité générale. Partout, l’or et l’argent s’achètent de la même manière. Au Pérou comme en Angleterre, le prix qu’on paye pour en avoir représente la nourriture, le vêtement et le logement, en un mot, le revenu et la subsistance de tous ceux dont le travail ou le capital s’emploie à les faire venir de la mine au marché. Le pays qui a de quoi payer ce prix ne sera jamais longtemps sans avoir la quantité de ces métaux dont il a besoin, et jamais aucun pays n’en retiendra longtemps la quantité qui ne lui est pas nécessaire[1].

Ainsi, de quelque manière que nous concevions la richesse et le revenu réel d’un pays, soit que nous les fassions consister, comme le simple bon sens paraît le dicter, dans la valeur du produit annuel de ses terres et de son travail, soit, comme le supposent les préjugés vulgaires, que nous les fassions consister dans la quantité de métaux précieux qui y circulent[2] ; sous l’un ou l’autre de ces points de vue, tout prodigue paraît être un ennemi du repos public, et tout homme économe un bienfaiteur de la société.

Les effets d’une conduite peu sage sont souvent les mêmes que ceux de la prodigalité. Tout projet imprudent et malheureux en agriculture, en mines, en pêcheries, en commerce ou manufactures, tend de même à diminuer les fonds destinés à l’entretien du travail productif. Quoique dans un projet de cette nature le capital ne soit consommé que par des gens productifs seulement, cependant, comme la manière imprudente dont on les emploie fait qu’ils ne reproduisent point la valeur entière de leur consommation, il résulte toujours quelque diminution dans ce qu’aurait été sans cela la masse des fonds productifs de la société.

Il est rare, à la vérité, que la prodigalité ou la conduite imprudente

  1. Voyez livre IV, chap. i.
  2. Ces préjugés sont combattus dans le livre IV, notamment dans le premier chapitre.