Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/585

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Quant aux bourgeois, il pouvait bien les mépriser, mais il n’avait pas sujet de les haïr ni de les craindre. Ce fut donc l’intérêt mutuel qui disposa ceux-ci à soutenir le roi, et le roi à les soutenir contre les seigneurs. Ces bourgeois étaient les ennemis de ses ennemis, et son intérêt était d’assurer, autant que possible, leur indépendance à l’égard de ces derniers. En leur accordant des magistrats particuliers, le privilège de faire des statuts pour leur régime intérieur, celui de construire des murs pour leur défense et de ranger tous leurs concitoyens sous une espèce de discipline militaire, il leur donnait contre les barons tous les moyens de sûreté et d’indépendance qu’il était en son pouvoir de leur donner. Sans l’établissement d’un gouvernement régulier de cette espèce, sans une autorité efficace qui pût faire agir tous les habitants d’après un plan ou un système uniforme, toutes les ligues qu’ils eussent pu volontairement former pour leur défense commune ne leur auraient jamais procuré de sûreté durable, et n’auraient pu les mettre en état de prêter au roi un appui important. En leur accordant la ferme de leur ville, il voulut ôter à ceux dont il cherchait à se faire des amis et, pour ainsi dire, des alliés, tout sujet de crainte et de soupçon qu’il eût aucun dessein de les opprimer par la suite, soit en augmentant la rente de la ferme de leur ville, soit en la donnant à quelque autre fermier.

Les princes qui vécurent le plus mal avec leurs barons sont aussi, à ce qu’il semble, les plus remarquables par la libéralité de leurs concessions envers les bourgs. Le roi jean d’Angleterre, par exemple, paraît avoir été un des bienfaiteurs les plus généreux envers les villes[1]. Philippe Ier, roi de France, avait perdu toute autorité sur ses barons. Vers la fin de son règne, son fils Louis, connu ensuite sous le nom de Louis le Gros, se consulta, dit le père Daniel, avec les évêques de ses domaines, sur les moyens les plus propres à contenir les violences des grands seigneurs. Leur avis se réduisit à deux propositions. L’une fut d’ériger un nouvel ordre de juridiction, en établissant des magistrats et un conseil de ville dans chaque ville considérable de ses domaines ; et l’autre, de former une nouvelle milice, en rangeant les habitants de ces villes sous le commandement de leurs propres magistrats, pour marcher en toutes les occasions où il s’agirait de prêter assistance au roi. C’est de cette époque, suivant les historiens français, qu’on doit dater en France l’institution des officiers

  1. Voyez Madox.