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VIEUX-TEMPS

La campagne sous un ciel gris, ce n’est point beau. Aujourd’hui les bois n’ont pas un relief, les champs, pas une couleur ; le chemin de La Chapelle, de « Vieux-Temps » jusqu’à la Montée, a été lugubre. J’ai pourtant préféré cette monotone promenade à un séjour dans la maison où chacun se ressent du vilain temps : Madame Cadorette a mal aux jambes et aux nerfs, les gamins sont bruyants ; nous remarquons d’ailleurs que, depuis avant-hier, jour de la Corvée, Charles-Auguste change beaucoup ; il semble que son naturel, un instant chassé par la timidité, revient au triple galop ; ce petit monsieur brave maintenant sa mère, se moque de sa tante, parle aux autres effrontément. Je reviens donc bien lentement, dans la poussière du chemin, regardant le ciel si bas qu’il semble près de déchirer ses nuages aux pointes des sapins. Mais pourquoi contempler cette grisaille quand j’ai en moi des souvenirs ensoleillés ? Hier était encore un jour à marquer d’une pierre blanche, car ce lendemain de Corvée fut fête à lui seul. L’excellente Madame Cadorette avait dit, le matin : “ Qui casse le blé-d’Inde le mange ! » et, pour mettre sa menace à exécution, elle chauffa le gros poêle, sortit le fameux chaudron de Ste-Anne, dans lequel s’engouffrèrent tous nos