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LA CORVÉE

Ah ! celui-là tout le monde y pense en ce moment.

En ce moment, tous les hommes de la corvée pensent à Paul, car c’était un rude faucheur. Comme il savait la plonger avec adresse sa lame dans le trèfle épais et mêlé ; comme il savait éviter les cailloux et les mottes de terre dure où le tranchant s’émousse et se brise ; personne, on le sait, ne pouvait le suivre et lui jeter des andains aux talons…

Maintenant le soleil vient de dépasser le point du midi et il envoie à la terre d’ardents rayons. La chaleur est étouffante. Il reste pourtant encore une bonne moitié de la prairie du ruisseau à abattre ; la mer mouvante des herbes brunes s’étend loin encore devant les hommes. Dès qu’un léger souffle de la brise qui vient de la montagne les agite, on dirait qu’un manteau d’or léger et transparent flotte sur la prairie. C’est beau mais les tâcherons n’ont pas le temps de regarder. Vont-ils faillir à la tâche ?…

« Hop ! Hop ! les gars », crie le père Jacques qui n’est pas le dernier dans la file.

Et les faucheurs, le front ruisselant sous leurs vastes chapeaux de paille du pays, les manches de leur chemise relevées, laissant à nu jusqu’aux