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LA CORVÉE

du soldat ; avec rage, il plonge la sienne dans l’herbe et frappe un caillou.

« Hop ! André, Hop ! » crie joyeusement Paul, qui passe près de son frère en abattant coup sur coup quatre andains de trèfle mauve. André est dépassé.

Les hommes rient dans l’ombre de leur grand chapeau ; ils continuent de murmurer, tout en geignant à chaque coup qu’ils donnent : « Mais c’est Paul !… » Des femmes et des enfants sont accourus des maisons vers la prairie du ruisseau ; montés sur les pieux de cèdre des clôtures, les enfants crient : « Ohé, Paul ! » pendant que les femmes, pâmées d’admiration, rient un peu d’André quand elles le voient dépassé par le soldat… Une troupe d’oiseaux passe sur la prairie en tourbillonnant et en piaillant et ils ont l’air de courir de toutes leurs petites ailes annoncer aux autres chanteurs de la montagne que Paul est revenu de la guerre ; des vaches clament aussi la nouvelle dans un champ de chaume voisin ; une caille, sous l’abri d’une meule, la dit aux mulots qui sortent de dessous le foin coupé ; un pinson, tout en joie, tirelire sur un piquet de clôture. Il s’est produit, dans ce morceau de campagne, un grand mouvement de vie.