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LA CORVÉE

res, il y avait le prix de monsieur le curé. Car monsieur le curé avait promis un prix, et ce prix, devait échoir à l’homme qui aurait fait le plus de besogne dans le cimetière, cette journée-là. Bien plus, le vainqueur devait être nommé en chaire, tout comme les gens qui se marient. La chose était connue de tous, et chacun avait ses prétentions. Le père Michel, ayant disposé son monde, donna le signal de commencer.

Rien de plus pittoresque que ce cimetière, champ d’immobilité et de silence, devenu tout à coup champ d’agitation et de tumulte. On eût dit une résurrection soudaine pour une seconde vie. Et certes il y avait assez de bruit pour réveiller les morts les plus anciens. Les pioches tombaient en cadence ; les pelles entraient en gémissant dans la glèbe ; les coups de masse retentissaient sourdement sur l’obstacle. Tout était en mouvement. Ici, une douzaine de paires de chevaux attelés à des charrues déchiraient avec effort le gazon d’allées remplies par les ans, tandis que d’autres équipages enlevaient au moyen d’énormes pelles ces sillons écourtés et les culbutaient aux endroits de nivellement ; là, plusieurs gros bœufs tiraient lentement de lourdes traînes surchargées de cailloux, pendant que d’autres charroyaient le sable et la