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tionnelle, de la Russie du passé pour qui notre Église et notre État actuel sont l’empire de l’Antechrist ; ou bien encore serait-ce aux nihilistes qu’il faudrait nous adresser, eux qui représentent peut-être l’avenir de la Russie ?


II


Je n’ai pas à insister sur ces difficultés, puisque l’histoire fournit à l’appui de ma thèse une preuve directe et connue de tout le monde. S’il y a une vérité acquise pour la philosophie de l’histoire, c’est celle-ci : que la vocation définitive du peuple juif, sa vraie raison d’être est essentiellement attachée à l’idée messianique, c’est-à-dire à l’idée chrétienne. Il ne paraît pas cependant que l’opinion publique, le sentiment national des juifs, ait été très favorable au christianisme. Je ne veux pas adresser des reproches vulgaires à ce peuple unique et mystérieux, qui est après tout le peuple des prophètes et des apôtres, le peuple de Jésus-Christ et de la sainte Vierge. Ce peuple vit encore et la parole du Nouveau-Testament lui promet une régénération complète : « Tout l’Israël sera sauvé » (Rom., xi, 26). Et — je tiens à le dire quoique je ne puisse pas prouver ici cette assertion[1] — « l’endurcissement » des juifs n’est pas la seule cause de leur position hostile à

  1. J’ai tâché de le faire dans deux études sur la question juive, dont l’une a été analysée dans la Revue française, sept. et oct. 1886.