Page:Soloviev - L'Idée russe.djvu/16

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la civilisation qu’elle méprisait mais qui lui était nécessaire ; il n’appelle pas seulement cette civilisation étrangère comme un protecteur puissant, mais il va lui-même la trouver chez elle en humble serviteur et en apprenti diligent ; et malgré les grands défauts de son caractère privé il offre jusqu’à la fin un admirable exemple de dévouement au devoir et de vertu civique. Eh bien ! en se rappelant de tout cela on se dit : elle doit donc être bien grande et bien belle l’œuvre nationale définitive qui a eu de tels précurseurs, il doit viser bien haut, s’il ne veut pas descendre, le pays qui dans son état barbare a été représenté par saint Vladimir et par Pierre le Grand. Mais les vraies grandeurs de la Russie sont une lettre morte pour nos prétendus patriotes qui veulent imposer au peuple russe une mission historique à leur façon et à leur portée. Notre œuvre nationale serait, à les entendre, tout ce qu’il y a au monde de plus simple, elle ne tiendrait qu’à une seule force, la force des armes. Donner le coup de grâce à l’empire Ottoman qui expire, et puis détruire la monarchie des Habsburgs, et à la place de ces deux puissances mettre un tas de petits royaumes nationaux indépendants qui n’attendent que cette heure solennelle de leur émancipation définitive pour se ruer les uns sur les autres. Cela valait bien la peine pour la Russie de souffrir et de lutter pendant mille ans, de devenir chrétienne avec saint Vladimir et européenne avec Pierre le