Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/347

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aux Argiens ! Comme s’il s’était saisi d’un homme robuste, il m’entraîne de force, et il ne sait pas qu’il tue un mort, qu’il prend l’ombre d’une vapeur, une image vaine. Il ne m’aurait pas saisi dans ma force, puisqu’il n’a pu me prendre que par ruse, bien que malade. Malheureux ! c’est la fraude qui m’a vaincu. Que ferai-je ? Mais rends-le ! Reviens enfin à toi. Que dis-tu ? Tu te tais ? Je suis mort, malheureux ! Ô rocher, qui t’ouvres de deux côtés, je te subirai de nouveau, désarmé, manquant de nourriture ! Et je me dessécherai, seul, dans cet antre, ne pouvant plus percer de mes flèches ni l’oiseau qui vole, ni la bête sauvage qui habite cette montagne ; mais moi-même, malheureux, je serai tué et mangé par ceux dont je me nourrissais, et ils me chasseront, moi qui les chassais auparavant. Malheureux ! j’expierai leur sang par mon sang, et cela par l’œuvre de cet homme que je pensais ne point connaître le mal ! Ne péris pas avant que je sache si tu ne dois pas changer de pensée ; sinon, péris misérablement !

LE CHŒUR.

Que ferons-nous, ô Roi ? C’est à toi de dire si nous devons partir ou céder aux paroles de cet homme.

NÉOPTOLÉMOS.

En vérité, j’ai pour lui une grande pitié, non récemment, mais depuis longtemps.

PHILOKTÈTÈS.

Aie pitié de moi, ô enfant, je t’en conjure par les Dieux ! Ne fais pas que les hommes te couvrent d’opprobre en m’abandonnant lâchement.