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Page:Sophocle, trad. Leconte de Lisle, 1877.djvu/351

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ODYSSEUS.

Saisissez-le pour qu’il ne le puisse pas.

PHILOKTÈTÈS.

Ô mains, que ne souffrez-vous pas, privées du cher arc et liées par cet homme ! Ô toi qui n’as jamais eu de pensées droites et généreuses, comme tu m’as menti et traqué, en prenant, pour bouclier à tes ruses, cet enfant qui m’était inconnu, plus digne de moi que de toi cependant, et qui ne savait rien, si ce n’est obéir. Et maintenant il est manifestement affligé de sa faute et de ce que j’ai souffert. Mais ta mauvaise âme, qui regarde toujours dans l’ombre, l’a instruit dans la ruse et le mal, lui qui était sincère et qui s’y refusait. Et maintenant, ô mauvais, m’ayant lié, tu veux m’emmener de ce rivage sur lequel tu m’as jeté sans amis, solitaire, exilé, mort parmi les vivants ! Ah ! que tu périsses misérablement ! Je t’ai souvent lancé cette imprécation, mais les Dieux ne m’accordent rien d’heureux ! Et toi, tu vis en joie, et moi je suis désespéré de vivre au milieu de maux innombrables, raillé par toi et par les deux chefs Atréides que tu sers en tout ceci. Et cependant tu as été contraint par ruse et par force de naviguer avec eux ; et moi, très-malheureux, qui ai mis de bon gré sept nefs en mer, ils m’ont jeté ici sans honneur, ainsi que tu le dis, car ils disent que c’est toi qui l’as fait. Où m’emmènes-tu aujourd’hui ? Pourquoi m’emmènes-tu ? Pour quelle raison ? Je ne suis plus rien ; je suis déjà mort pour vous depuis longtemps. Ô très-détesté des Dieux, ne suis-je plus pour toi boiteux et fétide ? Vous sera-t-il permis davantage, si vous m’emportez avec vous, de prier les Dieux, de brûler