Page:Sorel - La Vraie histoire comique de Francion.djvu/535

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sister. Quelquefois je ne disois mot, et je crois que l’on me prenoit pour quelque gueux ; car ma chemise étoit toute sale, d’avoir couché sur une montée qui n’étoit guère nette. Enfin j’ai songé que je pourrois demeurer là longtemps, si je ne m’en allois ; mais aussi de s’en aller de cette sorte en plein jour, cela étoit bien étrange. Je m’avisai qu’il falloit dire à quelque homme qu’il vînt céans avertir mes amis de mon désastre, afin que l’on m’apportât des habits. Je l’ai dit à un, mais je crois qu’il n’a sçu trouver le logis, et il m’a fait attendre longtemps et n’est point revenu. J’ai donc eu enfin en l’esprit une pensée bien bouffonne, qui a été de contrefaire le fol, plutôt que de demeurer toujours là. Je suis sorti généreusement et m’en suis allé dans les rues en chantant mille folies. Les enfans se sont amusés autour de moi, comme vous avez vu, et je crois qu’ils m’eussent fait beaucoup de mal sans votre secours. Si j’ai donné un soufflet à M. Hortensius, ç’a été pour autoriser ma folie ; mais je lui en demande pardon de tout mon cœœur. Hortensius dit alors qu’il lui pardonnoit, mais qu’il prît garde une autre fois de ne se plus fourrer en de si mauvais lieux. Raymond lui dit qu’il en avoit reçu une assez grande punition pour en être détourné. Mais vous, Raymond, dit Francion, n’en avez-vous pas aussi eu votre part ? Vous avez eu tantôt assez de honte de ce que l’on a publié vos amourettes devant Lucio. Si vous aviez vu la femme du sbire, dit Raymond, vous diriez qu’elle en vaut bien la peine, et que, pour être de basse condition, elle n’en est pas moins aimable. Quoi qu’il en soit, dit Francion, j’ai été fort aise d’apprendre cette aventure ; car j’ai vu par là que vous n’aviez plus rien à me reprocher, pour avoir été trop secret lorsque j’aimois Émilie. Je disois bien qu’il y avoit des choses dont on se réservoit le secret. Mais parlons encore de l’accident de du Buisson. Ira-t-on requérir ses habits ? Y avoit-il beaucoup d’argent dans ses pochettes ? Pas beaucoup, dit du Buisson ; je le laisse tout à Fiammette, pourvu qu’elle me renvoie mes habits. Il y auroit du déshonneur pour moi si elle ne les rendoit : Francion en fut d’accord ; si bien que l’on y envoya leur hôte et quelques laquais, qui firent quantité de menaces ; de sorte qu’elle les rendit. Cependant il y avoit toujours de la canaille devant la maison, attendant que du Buisson en sortît ; mais l’on fit retirer tous ceux qui y étoient, leur disant que