Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/107

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prince lorsqu’il paraît les oublier. Cette hiérarchie est la condition nécessaire du gouvernement monarchique. Si on la détruit, on est fatalement conduit au despotisme ou à la démocratie.

L’honneur est le principe de ce gouvernement, comme la vertu est celui de la république : l’honneur n’est pas opposé à la vertu ; il est, par excellence, la vertu politique de la monarchie. Pour le républicain, cette vertu consiste dans l’amour de la patrie et dans l’amour de l’égalité ; pour le monarchiste, elle consiste dans l’amour du monarque et dans l’amour du privilège : ce qui fait que l’on sert le monarque, et qu’en le servant on le contient. La monarchie s’est formée parce que la nation n’était point capable de se gouverner elle-même : la nation s’en est remise à un chef et aux descendants de ce chef. Ce gouvernement reposant sur l’obéissance, il a fallu, pour le soutenir, que l’obéissance y fût glorieuse, et qu’elle ne dégénérât point en sujétion. À défaut d’indépendance, il importait qu’il y eût de la grandeur dans les âmes. C’est l’effet de l’honneur : on doit, pour bien entendre ce chapitre, le commenter sans cesse avec les Mémoires de Saint-Simon.

Les lois qui dérivent de ce principe et qui, par conséquent, forment le ressort de la monarchie, sont celles qui entretiennent le sentiment de l’honneur et les prérogatives sur lesquelles il repose. Ce sont les privilèges, le droit d’aînesse, les substitutions, l’interdiction aux nobles de faire le commerce.

La monarchie subsistant par l’opposition même