Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/110

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On se demande pourquoi, ne traitant guère que des despotismes monstrueux de l’Orient, il y a tant insisté ; comment il a pu disserter avec tant d’intérêt sur leur nature, leur principe et la corruption de leur principe. La symétrie, sans doute, y est pour quelque chose ; pour quelque chose aussi l’impression des lectures de Tavernier et de Chardin. Il est également permis de croire que Montesquieu a cherché un effet de contraste, qu’il a voulu faire ressortir, par une sorte de repoussoir, l’excellence de la monarchie, le danger de sa dégénération, et qu’il a préparé de la sorte, par une transition naturelle, les esprits à mieux saisir ses idées sur la liberté politique.

Il en a traité dans un livre à part, en dehors des gouvernements. La liberté politique, en effet, est compatible avec plusieurs et n’est liée nécessairement à aucun de ceux avec lesquels elle est compatible. Montesquieu la distingue de l’indépendance nationale, qui est la liberté du peuple à l’égard des étrangers ; et de la liberté civile, qui est, dans le sein du peuple, la liberté des personnes et celle des biens. Il définit la liberté politique : « le droit de faire tout ce que les lois permettent ». « La liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir et à n’être point contraint à faire ce que l’on ne doit pas vouloir. » Définition vague et insuffisante. La loi peut être, et a été, un instrument de despotisme : elle peut m’ordonner ce que je ne dois point vouloir, et m’interdire ce que je