Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/125

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’avoir recherché l'influence de ces éléments, c’est de n’en avoir considéré qu’un seul et ne l’avoir considéré qu’avec des données très incomplètes. Ses notes sur les climats, recueillies au hasard et très arbitrairement rapprochées, remplies de faits incertains, semées de paradoxes et d’observations ingénieuses, auraient fourni l’étoffe d’un aimable essai à la Montaigne. Montesquieu a prétendu en tirer un système, et tout l’échafaudage s’est écroulé.

On a trop beau jeu à ramasser les débris et à déterminer la cause des fractures. « Le gouvernement d’un seul se trouve plus souvent dans les pays fertiles, et le gouvernement de plusieurs dans les pays qui ne le sont pas » : le gouvernement parlementaire s’est fondé dans un pays de riche agriculture ; les sablonnières de l’Allemagne du Nord y sont jusqu’à ce jour demeurées impénétrables. Le climat froid, ajoute Montesquieu, produira avec plus de force, plus de confiance en soi, plus de connaissance de sa supériorité, c’est-à-dire moins de désir de la vengeance ; plus d’opinion de sa sûreté, c’est-à-dire plus de franchise, moins de soupçons, de politique et de ruse. Voilà bien des vertus pour la gelée et pour l’humidité ! elles les engendrent peut-être toutes, mais elles les ont rarement associées. Les premières qualités, — la force, la confiance l’esprit d’entreprise, — vont bien ensemble, et j’y reconnais les Normands, les Anglo-Saxons et les Germains ; mais la suite me déroute, et, pour ne citer que des vérités acquises et des proverbes, je ne m’explique plus ni