Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/164

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Toute la révolution terroriste est dans une phrase, et cette phrase est directement inspirée des maximes républicaines de l’Esprit des lois. « Si le ressort du gouvernement populaire dans la paix est la vertu, dit Robespierre, le ressort du gouvernement populaire en révolution est à la fois la vertu et la terreur : la vertu, sans laquelle la terreur est funeste ; la terreur, sans laquelle la vertu est impuissante. » Il n’est pas, en effet, d’autre moyen que la terreur pour forcer à ce point la nature des choses, contraindre le Français à transformer son caractère et ses mœurs, l’obliger à remonter du siècle de Louis XV à celui de Lycurgue, et réduire Paris à subir ce que Montesquieu lui-même appelait « le prodigieux ennui de Sparte ». Il y faut « ces magistratures terribles », dont parle l’Esprit des lois, et « qui ramènent violemment l’État à la liberté » ; il y faut la loi du salut public, « qui est la loi suprême », et ce précepte invoqué par les sophistes de toutes les tyrannies : « Il y a des cas où il faut mettre pour un moment un voile sur la liberté, comme on cache les statues des dieux » ; il y faut l’ostracisme et ces arrestations des « citoyens suspects, qui ne perdent leur liberté pour un temps, que pour la conserver pour toujours » ; il y faut l’éducation uniforme, l’égalité des biens, cette médiocrité salutaire qui corrige la scélératesse naturelle de la fortune.

Que ne méditaient-ils les chapitres sur la corruption des principes, la vanité de la violence contre les mœurs établies et l’impuissance des supplices