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Le Temple de Gnide parut à Paris, en 1725, avec privilège du roi. Montesquieu n’eut garde de le signer. Il avait toutes raisons de se féliciter de sa discrétion : l'abbé de Voisenon prétend, en effet, que son pastiche « lui valut beaucoup de bonnes fortunes, à condition qu’il les cacherait ». Il s’enhardit et se présenta à l’Académie française. Il avait naguère raillé cette illustre compagnie ; il était du monde où l’on en recrutait les membres : il fut élu ; mais il passait pour l’auteur des Lettres persanes, et le roi refusa son agrément au choix de l’Académie sous le prétexte que Montesquieu n’habitait point Paris. Montesquieu s’en retourna à Bordeaux et s’occupa de se mettre en règle. Il lut à l’Académie de cette ville, en 1725, des fragments d’un traité stoïcien des Devoirs, et des Réflexions sur la considération et la réputation. Il prononça un Discours sur les motifs qui doivent nous encourager aux sciences, plein de beaux traits d’humanité. Cela fait, il vendit sa charge de président et vint s’installer à Paris. C’est le temps où il commença d’esquisser dans sa pensée le dessein de l'Esprit des lois. La consécration lui vint avant le chef-d’œuvre.

Il se présenta de nouveau à l’Académie en 1727. Le cardinal Fleury eut encore quelques velléités de l’écarter ; Montesquieu et ses amis parvinrent à endormir les scrupules du ministre. Élu le 5 janvier 1728, il fut admis le 24 du même mois. Son discours n’est point de ceux dont on peut dire qu’il est un titre ; on n’en peut louer que la concision,