Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/59

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du grand dans ses ébauches mêmes, comme dans ces vers que Virgile n'a point finis. »

Il était tout plein de l’esprit de Rome. « Les ruines d’une si épouvantable machine » n’avaient point frappé son imagination, comme celle de Montaigne, par leur aspect pittoresque et leur caractère sépulcral. Sous ces débris dispersés, il avait entrevu la cité, et, de tous ces fragments de squelette, un grand être disparu se reconstruisait dans sa pensée. Plus historien que peintre et plus philosophe que narrateur, il cherchait le secret de la vie et de la mort de ce puissant organisme. Ce n’était probablement, dans ses plans, qu’une partie, et comme la preuve principale, le grand épisode de son ouvrage sur les lois. L’épisode menaçait d’envahir le livre. Il l’en détacha, puis le polit et le cisela par prédilection. Il aimait à écrire. Il tenait le plus beau sujet du monde, et il se donna la tâche d’embrasser, selon le mot de Florus, « comme dans un tableau raccourci, l’image entière du peuple romain ». C’est ainsi que parurent en 1734 les Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, et quelques années plus tard, en 1745, le Dialogue de Sylla et d’Eucrate, Ce dialogue forme un admirable appendice aux Considérations, et l’on ne peut l’en détacher.