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la grandeur romaine : la plénitude du discours répond à l’ampleur du sujet. Les hommes et leurs passions ne s’y effacent point ; mais Bossuet ne leur laisse que le détail des événements, et, en quelque sorte, la figure mobile et passagère de l’histoire. Ce qu’il veut, c’est faire tenir à son lecteur « le fil de toutes les affaires ». Il le fait bien voir, se déroulant continuellement au milieu des hommes et des choses ; mais les hommes, qui tordent ce fil et le dévident, ne le dirigent point. Il a son point de départ et son mouvement en Dieu. Il en vient, il y retourne. Quelque influence que Bossuet attribue au « génie particulier de ceux qui ont causé les grands mouvements », et quoique l’historien déborde en lui constamment le théologien, c’est le théologien qui dit le premier mot et qui garde le dernier. Il reste toujours le très humble sujet et adorateur de cette Providence dont il se glorifie, comme on l’a dit spirituellement, d’être le conseiller d’État. Dieu a voulu, conclut-il, « que le cours des choses humaines eût sa suite et ses proportions ». Cette suite même et ces proportions n’ont eu qu’un objet, le triomphe de l’Église. Voilà « les secrets jugements de Dieu sur l’empire romain : mystère que le Saint-Esprit a révélé à saint Jean et que ce grand homme, apôtre, évangéliste et prophète, a expliqué dans l'Apocalypse. » Le Discours sur l’histoire universelle est, en définitive, une pieuse et solennelle application du système des causes finales à l’histoire.

Montesquieu ne se piquait point de théologie et