Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/107

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non seulement des avantages matériels et immédiats recueillis par la classe ouvrière, mais encore des raisons morales qui obligent le socialisme à faire partie de la grande famille républicaine. Leurs congrès s’épuisent à combiner des formules destinées à régler la diplomatie socialiste, à dire quelles alliances sont permises et quelles sont défendues, à concilier le principe abstrait de la lutte de classe (que l’on tient à garder verbalement) avec la réalité de l’accord des politiciens. Une pareille entreprise est une insanité ; aussi aboutit-elle à des équivoques, quand elle n’oblige pas les députés à des attitudes d’une déplorable hypocrisie. Il faut, chaque année, remettre les problèmes en discussion, parce que toute diplomatie comporte une souplesse d’allures incompatible avec l’existence de statuts parfaitement clairs.

La casuistique dont Pascal s’est tant moqué n’était pas plus subtile et plus absurde que celle que l’on retrouve dans les polémiques entre ce qu’on nomme les « écoles socialistes » : Escobar aurait eu quelque peine à se reconnaître au milieu des distinctions de Jaurès ; la théologie morale des « socialistes sérieux » n’est pas une des moindres bouffonneries de notre temps.

Toute théologie morale se divise nécessairement en deux tendances : il y a des casuistes pour dire qu’il faut se contenter des opinions ayant une légère probabilité ; d’autres veulent qu’on adopte toujours l’avis le plus sévère et le plus sûr. Cette distinction ne pouvait manquer de se rencontrer chez nos socialistes parlementaires. Jaurès tient pour la méthode douce et conciliante, pourvu qu’on trouve moyen de l’accorder, tant bien que mal,