Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/222

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branche d’industrie pendant quelques jours. On a, plus d’une fois, proposé de mettre ainsi le gouvernement au pied du mur par un arrêt dans l’exploitation des mines[1] ou dans la marche des chemins de fer. Pour qu’une pareille tactique pût produire tous ses effets, il faudrait que la grève pût éclater à l’improviste sur le mot d’ordre lancé par le parti et qu’elle s’arrêtât au moment où celui-ci aurait signé un pacte avec le gouvernement. C’est pourquoi les politiciens sont si partisans d’une centralisation des syndicats et parlent si souvent de discipline[2]. On comprend assez bien qu’il s’agit d’une discipline subordonnant le prolétariat à leur commandement. Des associations très décentralisées et groupées en bourses du travail leur offriraient moins de garanties ; aussi regardent-ils volontiers comme des anarchistes tous les gens qui ne sont point partisans d’une solide concentration du prolétariat autour des chefs du parti.

  1. En 1890, le congrès national du parti guesdiste vota, à Lille, une résolution par laquelle il déclarait que la grève générale des mineurs était actuellement possible et que la seule grève générale des mineurs permettrait d’obtenir tous les résultats que l’on demande en vain à un arrêt de toutes les professions.
  2. « S’il y a place dans le Parti pour l’initiative individuelle, les fantaisies arbitraires de l’individu doivent être écartées. Le règlement est le salut du Parti ; il faut nous y attacher fortement. C’est la constitution que nous nous sommes librement donnée, qui nous lie les uns aux autres et qui nous permet tous ensemble de vaincre ou de mourir. » Ainsi parlait un docteur socialiste au Conseil national. (Socialiste, 7 octobre 1905.) Si un jésuite s’exprimait ainsi, on dénoncerait le fanatisme monacal.