Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/246

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modèle[1], qui établirent le droit monarchique moderne, furent de terribles despotes qui manquèrent totalement de scrupules ; mais de grands historiens les ont absous de leurs violences, parce qu’ils ont écrit en des temps où l’anarchie féodale, les mœurs barbares des anciens nobles et leur manque de culture, joints à un défaut de respect pour des idéologues du passé[2], paraissaient des crimes contre lesquels la force royale avait eu le devoir d’agir en vigueur. Il est à supposer que c’est en vue de traiter avec une vigueur toute royale les chefs du capitalisme que l’on parle aujourd’hui d’une dictature du prolétariat.

Plus tard, la royauté se relâcha de son despotisme et alors intervint le gouvernement constitutionnel ; on admet aussi que la dictature du prolétariat devra s’atténuer à la longue et disparaître pour faire place finalement à une société anarchique, mais on oublie de nous expliquer comment cela pourra se produire. Le despotisme royal n’est pas tombé tout seul ou par la bonté des souverains ; il faudrait être bien naïf pour supposer que les gens qui profiteraient de la dictature démagogique, en abandonneraient facilement les avantages.

  1. (Gervinus. Introduction à l’histoire du XIXe siècle, trad. franç., p. 27.
  2. L’histoire de la papauté embarrasse beaucoup les écrivains modernes ; quelques-uns lui sont foncièrement hostiles en raison de leur haine pour le christianisme, mais beaucoup sont entraînés à absoudre les plus grandes fautes de la politique papale au Moyen Age, en raison de la sympathie naturelle qui les entraîne à admirer toutes les tentatives faites par des idéologues pour tyranniser le monde.