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ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

Ardjouna a reçu des armes divines ; il a vaincu les Asouras ; revenu sur la terre, il lutte contre une cité rebelle. Un épisode, que M. Alfred Sadous a interprété, en 1858, dans ses fragments du Mahâbhârata, nous dépeint le rapt de la belle Draupadî, enlevée par Djayadratha, roi des Sindhyens ou riverains de l’Indus. Le ravisseur est rejoint, défait, privé d’une partie de son armée, et les cinq frères lui impriment la marque flétrissante de l’esclavage : Draupadî, toujours fidèle, toujours pure, leur est ramenée, et ils rentrent ensemble, la femme et ses cinq maris, au sein de cette forêt sacrée, où ils se préparent à des destinées meilleures, en écoutant avec recueillement de la bouche des pontifes les récits les plus sérieux et les plus touchants. Effectivement, cette épopée est une source féconde, presque inépuisable, de traditions et de légendes : nous en avons déjà retracé plus d’une ; bien d’autres ne seraient pas moins dignes d’intérêt, soit par leur caractère poétique et moral, soit au point de vue historique et mythologique. Telle est, par exemple, celle du serpent Nahoucha. Bhîmaséna et Youdhichthira erraient dans les bois ; Bhîmaséna, après avoir terrassé toutes sortes de monstres, est enveloppé par un reptile mystérieux, qui leur apprend qu’il est Nahoucha, fils d’Ayou, un des chefs de leur famille, qu’il était savant, vertueux, puissant, mais qu’il a été puni pour avoir outragé la caste sacerdotale. Cette espèce de Sphinx promet de lâcher celui qu’il tient, si son frère, comme Œdipe, répond habilement à ses questions : entre eux s’engage un dialogue métaphysique, aussi curieux que subtil.

On y disserte sur la nature du véritable brahmane, qui est tel par ses vertus et ses talents plutôt que par son nom et sa naissance ; sur les qualités à acquérir de préférence ; sur la charité, l’aumône, la véracité, l’horreur du meurtre ; sur la condition de l’homme, qui, placé entre celle de Dieu et celle de l’animal, peut par ses mérites s’élever vers l’une et par ses fautes retomber vers l’autre ; sur les cinq sens, sur l’âme qui siége derrière le front, sur les trois facultés qui la