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Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/120

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qui feignent d’être également épris de la jeune fille et qui le chargent d’aller lui transmettre leurs vœux. On retrouve ici la naïveté des scènes de l’Odyssée entre Nausicaa et Ulysse avec quelque chose de plus étrange encore :

Nala se rendit au palais de Damayanli. Là, il l’aperçut tout à coup, entourée de ses compagnes, éclatante de grâce et de beauté, fraîche, souple, élégante, avec des regards plus enchanteurs que les feux brillants de la lune. Cette image séduisante enflamme son cœur; mais, fidèle à son devoir, il triomphe de ses sens. Cependant, émues à son aspect et frappées de sa beauté, les autres jeunes filles se dressent sur leurs sièges et, l’admirant en pensée, sinon en paroles, elles se disaient tout bas: « Quel charme, quel éclat, quelle dignité dans ce héros ! Quel est-il? C’est, sans doute, un dieu ou un génie! » Aucune d’elles n’osait l’aborder; toutes intimidées rougissaient. Quant à Damayanli, malgré son émotion, prévenant par son sourire le sourire de l’inconnu, elle s’écria : « Qui es-tu, ô toi dont la beauté ravit mon âme? Tu ressembles à un immortel, et je désire te connaître. Comment as-tu pu entrer près de nous, en échappant à tous les regards? Car ma demeure est bien gardée, et les ordres de mon père sont absolus. — Princesse, répondit-il, apprends que je suis Nala, envoyé en ambassade par les dieux. Indra, Agni, Varouna, Yama aspirent aussi à ta possession ; choisis l’un d’eux pour époux. C’est grâce à leur secours que j’ai pu pénétrer en ces lieux sans être vu ni arrêté par personne. Telle est la commission qu’on m’a donnée à remplir; tu sais tout; agis selon ta volonté. » Aussitôt, après une prière adressée aux maîtres du ciel, la princesse lui dit avec un ineffable sourire : « Selon ma volonté, ô roi, c’est toi qui dois m’accepter pour époux; que ferais-je afin de te plaire? Tous mes biens t’appartiennent; accueille mes plus chères espérances. A la voix des cygnes, tes messagers, mon cœur s’est épris de toi : si j’ai fait venir tous les rois de la contrée, c’était pour que tu vinsses aussi. Si tu dédaignais une affection si sincère, le poison ou la corde, l’eau ou le feu seraient mon triste refuge. »

En entendant un aveu si doux et si dépouillé d’artifice, Nala est bien heureux : il le serait du moins sans la fâcheuse mission dont les dieux l’ont chargé. Il supplie loyalement la vierge de choisir entre eux ; comment oserait-elle les repous-