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LE MAHAISHARATA. 129

funérailles aux funérailles. Les fils du vieux roi aveugle Dhritarâchtra (ainsi que son écuyer Sandjaya le lui raconte à lui-même) ont péri l'un après l'autre, et parmi eux, l'ainé, le plus violent, Douryôdhana, dont les funestes conseils ont provoqué cette épouvantable guerre. Ses chars et ses éléphants, ses fantassins et ses cavaliers fondent comme la neige sous un rayon de soleil : semblable à Rodrigue, ce dernier roi des Goths, que chante le Romancero espagnol, il survit à son armée, il s'enfuit de la plaine et se retire au fond des forêts, sur les eaux du lac, qui deviennent solides pour le soutenir. Mais les Pândavas l'y poursuivent, le harcèlent, l'injurient, le ramènent au combat ; il engage avec le farouche Bhîma- séna une lutte à coups de massue, plus digne des cannibales de la sauvage Polynésie que des héros de l'Inde ancienne. Ardent de colère, Bhîmaséna renverse son rival, le frappe et brise rudement sous son talon ce front qui a reçu l'onction royale : le pieux et juste Youdhichthira, quoique frère du vainqueur, est consterné de tant de barbarie. Quant au mou- rant, il sera maudit sur la terre, parce qu'il a séparé les deux familles par un abîme de malheurs; mais il ira droit au ciel, parce qu'il expire les armes à la main.

Le dixième chant (Saoptika-Parva) , qui a été traduit en français par M. Th. Pavie et qui abonde en détails expres- sifs jusqu'à l'horrible, est le récit de l'attaque nocturne d'un camp; ainsi Homère nous a dépeint Diomède, volant dans les ténèbres les coursiers merveilleux du roi de Thrace Rhé- sus ; ainsi Virgile nous a décrit Nisus et Euryale, pénétrant de nuit sous les tentes des Rulules. Trois braves guerriers, Kritarvan, Açwathâman, fils de Drona, et le beau-frère de celui-ci, Kripa, méditent quelque vengeance; ils traversent les bois et, épuisés de fatigue, se couchent à l'ombre d'un figuier. Pendant que ses deux compagnons dorment, Açwa- thâman aperçoit une foule de corbeaux, qui nichent sur les branches de l'arbre, et un affreux hibou, qui vient, pendant leur sommeil, pour les dévorer tous. Cet incident lui semble

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