Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/143

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LE MAHABHAlî.Vn. I O J

des mœurs analogues ; c'est un état social à peu près iden- tique, mais, comme toujours, avec un caractère plus saillant et des formes plus grandioses. Les pleurs se répandent main- tenant à flots, ainsi que, tout à l'heure, le sang coulait par ruisseaux et par torrents, ainsi que les cadavres s'amonce- laient les uns sur les autres à l'égal des montagnes. Lucain, fût-il doublé de Brébeuf et renforcé par Scudéry ou Saint- Amand, semblerait scrupuleux et retenu à côté de ces rhap- sodes inconnus, dont l'imagination se perdait dans le vague et aspirait à l'infini. Néanmoins, à travers ces exagérations, souvent si choquantes pour noire goût à la fois plus pur et plus timide, la vérité, le naturel, une sensibilité douce per- cent de loin en loin, et nous sentons palpiter le cœur humain qui, à deux mille ans et à deux mille lieues de distance, était emporté par les mêmes mouvements, agité par les mêmes passions qu'aujourd'hui.

Si Açwatthàman, Kritavarman et Kripa se sont vengés de quelques-uns de leurs ennemis; si le roi des Pantchàliens, Dhrichtadyoumna, a succombé avec une foule des siens dans l'attaque nocturne ; si le feu a été mis aux quatre coins de leur camp, le parti des Gourâvas n'en est pas moins vaincu. Le vieux monarque aux yeux éteints, Dhritarâchtra, sembla- ble à un arbre dont on a arraché les racines, à un moineau dont on a coupé les ailes, à un soleil sans rayons, s'entre- tient avec son loyal écuyer Sandjaya des pertes irréparables qu'il a faites. Ses dix-huit armées sont détruites ; ses cent fds, entre autres le redoutable Douryôdhana, ont péri ; ses alliés sont défaits ; il faut, suivant les rites, procéder h ces immen- ses funérailles. Pourquoi s'est-il obstiné, malgré tant de con- seils, à prolonger cette guerre impie? Là est sa seule faute, à moins que, dans quelqu'une de ses existences antérieures, il n'ait commis un crime qu'il soit contraint d'expier à pré- sent; Sandjaya cherche en vain à consoler l'inconsolable vieil- lard, l'aveugle en larmes. 11 n'a été que faible, lui dit-il; c'est son fils aîné qui fut coupable, ou plutôt ce sont des

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