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LE MAHABHARATA. 139

et mélancolique ; les lamentations et les imprécations de toutes ces femmes qui pleurent un être chéri, égorgé dans les com- bats, jettent dans le découragement et dans le dégoût des choses de ce monde ce héros, dont la justice est la suprême loi. Il s'écrie tristement :

Nous nous sommes détruits les uns les autres ; quel fruit nous en reviendra-t-il? Maudit soit l'exercice des armes! maudit soit l'héroïsme des guerriers ! maudite soit la coupable violence qui a amené parmi nous tant de maux! Combien sont préférables la ré- signation, l'empire sur nos sens, la pureté, l'abnégation, l'absence d'envie, l'horreur du meurtre, la vérité que pratiquent les ascètes, retirés au fond des bois ! Nous avons cédé à l'ambition et à l'éga- rement, à l'esprit d'imposture et de vanité, et, si nous en sommes réduits à cette situation déplorable, c'est l'aveugle désir du pou- voir qui en est cause.

Il est assez facile de reconnaître, dans ces paroles élevées et généreuses, ^'inspiration de ces brahmanes qui régentaient les rois. Aussi, l'on voit bientôt se succéder une foule de dis- cours sur les devoirs de la morale et de la politique ; ils sont adressés à Youdhichthira par son grand-oncle Bhichma, près de mourir des blessures qu'il a reçues en combattant, et en- tremêlés, suivant l'usage indien, de légendes et d'apologues. Cependant, les quatre autres Pàndavas, Krishna et les prêtres, présents â l'assemblée, décident que Youdhichthira aura la royauté sans contestation et sans partage ; on célèbre même le sacrifice du cheval comme marque de sa suprématie. Ce sacrifice, à la fois religieux et militaire, était, ce semble, fort ancien, et les brahmes indiens n'ont cessé de le vanter pom- peusement, parce que, en cette occasion solennelle, les mo- narques avaient l'habitude de les inviter à de splendides fes- tins et de leur donner de riches aumônes en habillements, en argent et surtout en troupeaux de génisses. Voici comment il se pratiquait : on lançait au hasard un cheval libre à travers les régions voisines, et un guerrier le suivait pas à pas, le poussant en avant et provoquant tous les princes qui s'oppo-

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