Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE MAHABHARATA. 1 5 I

mesure, renfermer et accumuler tout ce qui leur revenait à l'esprit de mythes, de traditions, de souvenirs, (l'est ainsi qu'ils ont organisé pièce à pièce un véritable musée de leurs antiquités nationales, où abondent les galeries imposantes, les bas-reliefs sévères, les statues curieusement sculptées, les tableaux éclatants de coloris, mais où la clarté manque, où le désordre règne, et où la fatigue souvent vous saisit, à l'aspect de tant d'ornements prodigués et de tant de trésors confondus pêle-mêle.

Le Mahâbnârata pèche pareillement par l'abus du mer- veilleux: sans doute il n'y a pas d'œuvre épique sans cet élément indispensable. Dans toutes, on a essayé d'y recourir plus ou moins heureusement, et si ce noble genre est devenu

'i peu près inabordable, à quoi s'en prendre, si ce n'est sur-

tout à cette tiédeur métaphysique, à ce dédain du surnatu- rel qui caractérisent nos générations modernes? Mais là aussi le goût est nécessaire et on doit observer la mesure. Que dire de ce Vyâsa, qui se persuade faussement nous attendrir, quand il ne nous met sous les yeux que des fils de dieux ou des dieux s'incarnant, mourant, renaissant, luttant ensemble, sans que nous ayons un seul moment à espérer ou h craindre pour ces tout-puissants immortels? Le panthéisme, dont sa poésie porte la marque et que l'on découvre au fond de toutes les inventions de l'esprit indien, nuit encore singulièrement à l'émotion, puisqu'il étend sur toutes les fractions, vivantes ou non, de notre univers un niveau uniforme, en supposant que la pierre, la plante, l'arbre, l'animal, l'homme, le génie, se valent et sont autant de parcelles de la divinité. Lorsque tout est également digne d'intérêt, on ne s'intéresse plus à rien. l T ne autre remarque que les critiques ont faite et que cette lecture suggère infailliblement, c'est que nulle part il n'est question du peuple, parce que le peuple, dans la vieille so- ciété de l'Inde comme dans celles de l'Assyrie ou de l'Egypte, existait, mais ne comptait pas. Où sont ces waiçyas ou mar- chands, dont les caravanes pourtant, de temps immémorial,

�� �