Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/19

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pressait cependant de rechercher tout ce qui avait été imaginé autrefois, tout ce qui avait été écrit au dehors, tout ce qui avait été inventé au loin. La Grèce, Rome, la France de Louis XIV furent dédaignées, comme si elles avaient été usées à force d’avoir été exploitées trop fréquemment ; mais les souvenirs du moyen âge, les poésies étrangères, les légendes orientales excitèrent de préférence la curiosité : l’Indianisme profita de ces dispositions générales qui, bien entendu, tournèrent à l’excès. Qu’on se souvienne des éloges hyperboliques que quelques poèmes, heureusement retrouvés, arrachaient à Goethe, à Guillaume de Schlegel, à Schelling, à Chézy. Linguistique, religion, métaphysique, littérature, tout devait tirer de là ses règles et ses principes. On eût dit que ces premiers-nés de la race aryenne avaient dépouillé par avance leurs arrière-neveux et qu’ils avaient improvisé d’un seul coup, derrière leurs jungles et leurs forêts de bambous, ce qu’il était indispensable à des créatures mortelles de connaître.

Tout abus entraîne une réaction inévitable, et les exagérations des adeptes les plus exaltés suscitèrent de la part de plus d’un critique de judicieuses réserves. Alors l’enthousiasme se refroidit et ne tarda pas, suivant l’usage, à faire place à une indifférence non moins fâcheuse. Ne saurons-nous jamais observer le juste milieu et nous arrêter à de sages limites ? De ce que tout n’a pas été créé sur les bords de la Sarasvati ; de ce qu’il ne faudrait point, au XIXe siècle, demander à la discipline brahmanique le prototype de notre état social ; de ce que notre esprit blasé et méticuleux s’accommoderait médiocrement d’un art aventureux et mal réglé, qui se complaît dans la surabondance, qui pèche par trop d’énergie ou de richesse et qui fait voyager sans cesse le lecteur de la terre au ciel et du ciel aux enfers, s’ensuit-il que nous devions méconnaître et mépriser les fruits, parfois si brillants, que porta cet antique rameau de l’Humanité ? Nous sommes bien loin de le croire. Nous pensons que la froideur