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482 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

mille nymphes, trente mille autres créatures aériennes, une myriade de musiciens célestes exécutent des danses volup- tueuses ou d'harmonieuses symphonies. Il n'est question que de montagnes de gâteaux ou de viandes, de ruisseaux de lait et de miel, de torrents de vin et de liqueurs fermentées. Par un contraste qui, s'il est sans art, n'est point sans effet, Vâl- mîki fait succéder à la description de ces magnificences plus qu'orientales l'image de l'existence laborieuse et austère que le héros mène auprès de son frère et de son épouse dans les vallées du Tchitrakouta. Semblables à l'Adam et à l'Eve de .Milton, Ràma et Sîtà vivent innocemment au milieu dès plus ravissants paysages : ils s'enivrent de la félicité la plus pure. De concert avec Lakshmana, ils tuent du gibier, en font sécher la chair et la rôtissent. Ils sont interrompus par l'arrivée du cortège de Bhàrata qui s'approche : vient-il en rival, en ennemi? Il s'agit sans doute de combattre ou plutôt de périr. Mais quelle douce émotion pour eux lorsqu'ils voient le youvâ-radja se précipiter aux pieds de son frère aîné! Celui-ci le prend sur ses genoux, ainsi qu'un enfant qu'on flatte, et lui demande des nouvelles de sa famille et de son peuple ; hélas ! il apprend que leur père est mort : tous se rendent au bord de la Mandàkini et y offrent des hommages funèbres à l'ombre de Daçaratha. Invité à repren- dre le sceptre d'Ayodhyâ, Râma s'y refuse absolument : il subira jusqu'au bout les quatorze années d'exil, imposées par un père. Il embrasse tous les soldats de l'armée, ses belles- mères, sa mère Kàusalyâ; il s'incline devant Vasishtha; il serre dans ses bras ce fils de Kêkéyi, qui se conduit si loyale- ment, et lui adresse une harangue fort étendue, toute méta- physique, probablement intercalée à une date plus récente. Après un nouveau combat de générosité entre les deux frères, Bhàrata est forcé de repartir et de garder la couronne; mais il ne veut la conserver qu'à titre de dépôt; il se retire à Nandigrâma, où il vivra, lui aussi, en anachorète. Par un trait de mœurs essentiellement local, il installe à Ayodhyâ,

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