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184 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

l'ambition et par la volupté ; sa conclusion est des plus sim- ples et des plus significatives. Elle dévorera Sità et Laksh- mana, et rien alors ne fera plus obstacle à leur bonheur: la passion et l'anthropophagie seront ainsi merveilleusement sa- tisfaites. Les deux guerriers l'injurient dédaigneusement, et Lakshmana lui coupe le nez et les oreilles. Ainsi défigurée, apparaissant dans toute sa laideur native, les dents saillantes, le ventre bombé, les griffes tendues, elle s'enfuit en hurlant vers son frère Khara qui jure de la venger. Celui-ci rallie d'abord quatorze chefs, puis quatorze mille rôdeurs de nuit : armé de sa massue, il compte écraser aisément les pygmées qui l'arrêteraient et boire à longs traits leur sang. Sîtâ est mise à l'abri ; les dieux mômes assistent d'en haut à une lutte si effroyable. On combat avec des flèches magiques et des troncs d'arbres; c'est tout à fait le duel d'Indra contre Vrîtra dans les Védas et celui d'Hercule contre Gacus dans Y Enéide, ou plutôt c'est une poétique réminiscence des bou- cheries humaines et des invasions de cannibales, qui ont dû si souvent ensanglanter le sol de l'Inde antique. Doûshana, Triçiras qui a trois tètes comme le Cerbère hellénique, Khara à son tour, des milliers d'autres succombent. L'ogresse désolée se rend à Lanka et demande justice à Râvana, ce sombre géant, que ses dix visages et ses vingt bras rendent hideux ; elle l'engage astucieusement à enlever Sitâ. Charmé d'un tel avis, il monte sur un char enchanté, auquel sont attelés des ânes à faces de vampires et qui néanmoins se meut tout seul avec une rapidité merveilleuse ; il traverse l'Océan et prie Màrîtcha, un des plus fidèles serviteurs, de le secon- der pour le rapt qu'il médite. Après lui avoir adressé de sages conseils, qui ne sont accueillis que par des reproches ou des menaces, Màritcha prend l'apparence d'une gazelle fantas- tique au pelage d'or moucheté d'argent, aux cornes ornées de perles et de corail. A la vue d'une bête si extraordinaire, Sitâ éprouve un caprice presque enfantin; elle désire la pos- séder vivante et l'apprivoiser : sinon, toute Indienne qu'elle

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