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202 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

déposer les armes et de ne pas s'obstiner à jouter contre ce Râma, que protègent si visiblement les Immortels : Râvana continue de n'écouter que les suggestions funestes de son orgueil et son farouche besoin de vengeance. Il reparaît, il frappe ; il abat Sougrîva, le noble roi des singes ; il repousse Hanoûmat; il harcèle Râma qui le chasse; il repart vaincu et humilié. Lui qui a tenu tête à tant de génies et à tant de dieux, il est obligé de céder à un homme ; il est vrai que le fils de Daçaratha est plus qu'un homme. Répétons-le, cette mythologie diffuse et démesurée, ces continuelles transforma- tions, cet abus des métamorphoses et des miracles sont les principaux vices de ces épopées sanscrites, d'ailleurs si cu- rieuses parles détails et si élevées parles sentiments. Il n'y a jamais de raison pour qu'une lutte finisse; tant chacun des adversaires a de secrets mystérieux et de ressources surhu- maines ! Le poète ne s'arrête que quand il est las de chan- ter, et malheureusement il ne prévient pas assez la satiété des lecteurs.

C'est ainsi que Vâlmîkî a intercalé au milieu de cette foule de narrations belliqueuses l'épisode monstrueux de Koum- bhakarna. C'est encore un frère de Râvana, un géant dif- forme, un odieux cannibale qui, dès sa naissance, avait dévoré dix nymphes et qui, depuis, a fait bien d'autres victimes. Aussi les dieux, inquiets d'une telle voracité, ont-ils décidé qu'il dormirait six mois de suite et qu'il n'aurait par semes- tre qu'une journée de veille et de nourriture : c'est bien assez pour la dépopulation du monde. Une multitude de femmes, à l'aide des symphonies d'instruments les plus har- monieuses, tentent de l'arracher à son sommeil, afin qu'il prête son redoutable appui h l'empire chancelant des Râk- chasas. Il s'éveille enfin; il va trouver son frère et lui pro- met son concours ; il agite des traits irrésistibles ; il pousse d'effroyables clameurs, au point que les singes en désordre s'enfuient par la chaussée de Nala, par l'eau, par les airs : il en dévore un grand nombre, dont beaucoup ont l'adresse de

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